Évènement
Et si on rêvait plus grand ?
7 avril 2025
Retour sur la première rencontre des États généraux du syndicalisme
Résumé : Le 31 mars dernier, les neuf principales organisations syndicales du Québec ont lancé une démarche inédite : les États généraux du syndicalisme. Une première rencontre riche en réflexions, en mémoires et en espoirs, à laquelle nous avons eu la chance de participer.
« Le syndicalisme, ce sont des visages, des voix et des réalités qui méritent d’être entendus. »
Déclaration commune des neuf présidences syndicales

Le 31 mars dernier, on a senti quelque chose d’important se lever. Dans une salle remplie de militantes et militants, de présidentes et présidents syndicaux, de chercheuses et chercheurs, une certitude flottait dans l’air : le mouvement syndical québécois a besoin d’un nouveau souffle. Et c’est collectivement qu’il faut le trouver.
Un moment de bascule
« L’union fait l’avenir. » Ce n’est pas qu’un slogan. C’est une promesse. Celle de reconstruire un rapport de force, de remettre la solidarité au centre, de réfléchir sans tabou à l’avenir du syndicalisme. Pendant plus de trois heures, trois panels ont permis de croiser les regards, les mémoires, les colères et les visions.
Les constats sont clairs : le monde du travail change vite, trop vite parfois. Le nombre de lock-out augmente, les grèves diminuent, la précarité s’installe, et les jeunes travailleurs et travailleuses ont un rapport différent au syndicalisme. Et pourtant, les attaques, elles, ne faiblissent pas. La montée de la droite, les projets de loi comme le PL89, les offensives contre le droit de grève ou l’affaiblissement de la démocratie syndicale nous obligent à réagir.
Mais comment ? Et surtout, ensemble, sommes-nous encore capables de rêver plus grand ?
Se regarder en face
Une chose est revenue souvent dans les témoignages : la nécessité de se remettre en question. « Si nos membres ne sont pas au rendez-vous, c’est peut-être parce qu’on a perdu le contact avec le terrain », lançait Magali Picard, présidente de la FTQ. D’autres ont parlé de la lourdeur des structures, de la difficulté à rejoindre les jeunes, ou de l’individualisme croissant qui mine la force du collectif.
Mélanie Hubert (FAE) évoquait le défi de redonner du sens à l’engagement syndical : « Nos membres cherchent des rapports concrets, un syndicalisme intelligent qui s’adapte à leurs réalités. » Elle appelait à mieux expliquer les luttes et à retrouver la saveur de la démocratie en milieu de travail.
De son côté, Guillaume Bouvrette (SPGQ) a souligné la nécessité d’unir les forces syndicales dans un dialogue ouvert et bienveillant, malgré les désaccords : « Servons le syndicalisme avec un grand S. »



Des histoires à transmettre
Le passé n’était pas oublié. Il était même omniprésent. Luc Vachon (CSD) a rappelé les grandes batailles juridiques qui ont fragilisé les droits syndicaux, comme la modification de l’article 45 ou la disparition des durées fixes de conventions collectives. Il a aussi souligné un acquis fondamental : la loi anti-briseurs de grève, « un tournant salutaire pour l’assainissement des conflits de travail. »
Julie Bouchard (FIQ) a livré un vibrant plaidoyer féministe, liant les luttes syndicales à celles pour le droit à l’avortement et pour un accès équitable aux soins. Elle a rappelé la dignité des soignantes en pleine pandémie, brandissant leurs pancartes et exigeant, en chœur, l’équipement nécessaire pour protéger des vies.
Christian Daigle (SFPQ) a rappelé les grandes victoires collectives qui protègent aujourd’hui l’ensemble des travailleuses et travailleurs : normes du travail, santé et sécurité, congés de maladie, équité salariale. Des gains obtenus à la force du poing levé.
Ces histoires sont le socle sur lequel on peut bâtir l’avenir. Encore faut-il les transmettre.
L’audace de se repenser
Dans une société qui remet en question ses institutions, comment un syndicat peut-il encore incarner un contre-pouvoir? C’est la question qu’a soulevée Éric Gingras (CSQ), appelant à retrouver le sens de notre mission sociale, au-delà de l’application des conventions collectives.
Robert Comeau (APTS) a insisté sur la nécessité de sortir des bannières pour mettre les travailleuses et travailleurs au centre : « Il faut qu’ils comprennent ce qu’on fait et pourquoi. Il faut reprendre notre place dans l’espace public. »
Et Caroline Senneville (CSN) a résumé avec force ce qu’on pressentait toutes et tous : « Si on touche juste à nos structures, on fait une erreur. Il faut parler aux membres. Les entendre. Célébrer nos victoires. Et surtout : rester en mouvement. »

Une démarche en plusieurs étapes
Les États généraux du syndicalisme, c’est bien plus qu’un événement ponctuel. C’est une vaste démarche collective, qui s’étendra jusqu’en 2027. Des consultations seront menées dès 2025 auprès des membres, des spécialistes, de la société civile. Un colloque est prévu en 2026, puis un grand événement final pour présenter un plan d’action commun.
Déjà, des outils sont en place : une identité visuelle, un site web (syndicalisme.com), une trousse d’animation pour les milieux. Mais surtout, une volonté claire : celle de ne pas rester figés. De moderniser nos approches. D’inclure celles et ceux qu’on oublie trop souvent. Et de renforcer, ensemble, notre capacité d’agir.
Et maintenant?
Ce premier rendez-vous était un appel. Un appel à l’audace, à la solidarité, à l’introspection. Mais surtout, un appel à la mobilisation. Car l’avenir du syndicalisme, ce n’est pas une affaire de hautes sphères : c’est l’affaire de toutes et tous.
« Le syndicalisme de demain, il faut le rêver, le construire et l’incarner ensemble. »
Déclaration commune des neuf présidences syndicales