Communiqué de presse
La démocratie syndicale n’a pas besoin de tuteurs
24 September 2025
Dans la dernière année, le gouvernement de François Legault a multiplié les gestes qui resserrent l’étau autour de l’action syndicale. Après le dépôt en avril du controversé projet de loi 101 et l’adoption du projet de loi 89 limitant le droit de grève, voilà qu’un nouveau chantier s’ouvre : celui de la « transparence » et de la remise en question des cotisations syndicales. Encore une fois, c’est l’équilibre démocratique qui vacille, la balance penche en faveur des employeurs et c’est l’ensemble de notre filet social qui se retrouve menacé.
On se réunit, on vote, on rend des comptes
La vie démocratique syndicale, ça se passe dans des salles un peu partout au Québec, autour d’un café tiède et de feuilles d’assemblée. Bien loin des caricatures que nous sert la CAQ. Les membres posent des questions, demandent des chiffres, proposent des pistes. On débat souvent, on se convainc, on vote toujours. C’est ça, la démocratie syndicale au quotidien.
Alors quand le gouvernement de la CAQ laisse entendre qu’il faut « encadrer » des pratiques déjà balisées, plusieurs lèvent le sourcil.
Transparence, d’accord. Soupçon généralisé, non.
La reddition de comptes, on connaît ! Des états financiers présentés en assemblée.
Des budgets votés par les membres. Des audits, quand c’est approprié (qui coûtent d’ailleurs bien plus cher que ce que prétend la CAQ).
Ce qui choque, c’est le soupçon généralisé : l’idée que, par défaut, les syndicats ne seraient ni transparents ni démocratiques.
Et pendant qu’on brandit le mot « transparence », on oublie que les associations patronales ne sont pas soumises aux mêmes exigences. Deux poids, deux mesures. Ça ressemble moins à un ménage de printemps qu’à un rétrécissement ciblé de l’espace d’action syndical.
La vraie transparence commence par balayer devant sa porte : que le gouvernement fasse ses propres vérifications, et les travailleuses et travailleurs sauront faire les leurs.
La fausse bonne idée des cotisations « à la carte »
Sur papier, permettre de refuser une petite portion « non liée à la relation de travail » peut sembler anodin. Dans la vraie vie, c’est créer un labyrinthe coûteux :
- Des mécanismes administratifs à inventer, opérer, vérifier.
- Des coûts récurrents pris… dans la poche des membres.
- Des recours au TAT à répétition pour arbitrer ce qui est « admissible » ou non, dans une zone grise où chaque syndicat a ses priorités.
Résultat : du temps et de l’argent détournés de la défense concrète des travailleurs vers la paperasse et le litige. Ce n’est pas renforcer la démocratie. C’est multiplier les formulaires et les chicanes.
Une question de philosophie… et de société
Où finit le « strictement lié » à la relation de travail ?
Qui trace la ligne ?
Quand un syndicat défend des congés parentaux, la santé et sécurité, l’accès au logement, la francisation, la lutte au racisme… parle-t-il « seulement » à ses membres, ou à toute la société ?
Depuis des décennies, les gains syndicaux débordent largement l’intérêt immédiat des membres. Ils deviennent des acquis collectifs. Fragiliser ce financement, c’est affaiblir un contre-pouvoir qui a bâti un filet social dont tout le monde profite, syndiqué ou non.
Un pattern qui s’installe
- Un projet de loi qui limite les leviers de grève.
- Une réduction des effectifs gouvernementaux pour traiter les demandes et litiges.
- Une offensive sur le financement et la gouvernance internes.
On voit bien la trame : réduire la marge de manœuvre des syndicats et affaiblir leur rôle de contrepoids démocratique.
Après les réformes chaotiques en santé et dans les services publics, et des fiascos retentissants comme SAAQclic et Northvolt, difficile de croire que la CAQ saura gérer un dossier aussi complexe sans plonger encore une fois dans le désordre.
Notre position, simple et ferme :
- Oui à la transparence qui part des membres et sert les membres.
- Non à l’ingérence qui présume la mauvaise foi et impose un modèle unique à des réalités syndicales diverses.
- Oui au dialogue social, mais pas pour une réforme qui coûte cher, complexifie tout et affaiblit la voix des travailleurs.
« Ouvrir nos portes, on le fait déjà. Nos pratiques sont votées par nos membres et nos priorités viennent d’eux. C’est ça, la démocratie syndicale : des décisions collectives, prises par et pour les membres. » — Marie Deschênes, présidente par intérim de l’UES 800
Ne nous laissons pas détourner
Membres : Assistez à vos assemblées, posez des questions, proposez. La démocratie syndicale, c’est vous qui la faites vivre.
Partenaires et employeurs : Gardons le cap sur des solutions concrètes en milieu de travail. La concertation donne de meilleurs résultats que la confrontation.
Gouvernement : Corrigez le tir. Choisissez la concertation plutôt que l’ingérence. Reconnaissez les mécanismes démocratiques que les membres ont bâtis et retirez les mesures qui affaiblissent inutilement la solidarité syndicale.