Bulletin aux membres
Réplique de l’UES 800 suite à l’article paru dans La Presse et Le Soleil intitulé « Hausse du salaire des employés d’entretien ménager / Des résidences pour aînés menacent de fermer »

20 janvier 2014

Sous le titre ¨Hausse du salaire des employés d’entretien ménager / Des résidences pour aînés menacent de fermer¨ dans les journaux La Presse et Le Soleil du 18 janvier, la journaliste Ariane Lacoursière reproduit la charge de monsieur Yves Desjardins, président du Regroupement québécois des Résidences pour aînés (RQRA), contre les salaires des employés d’entretien ménager.

L’Union des employés et employées de service, section locale 800 (UES 800) représente une importante proportion des employés travaillant dans l’entretien ménager au Québec, participe aux négociations conduisant aux deux décrets du secteur de l’entretien d’édifices et siège aux conseils d’administration des comités paritaires mandatés par la loi pour voir au respect de ces décrets. À ce titre, mais aussi comme représentante de citoyens préoccupés par la qualité des soins et des services que reçoivent nos aînés dans ces résidences, l’UES 800 se doit de réagir à l’énumération de faussetés et d’incohérences trompeuses véhiculées par cet article.

Précisons d’abord que le décret de Québec, qui s’applique grosso modo à l’est de la province, existe depuis 1969 et que celui de Montréal, pour l’ouest de la province, depuis 1975 et non depuis 15 ans comme l’affirme madame Lacoursière. Pourquoi ces décrets existent-t-ils? Essentiellement pour deux raisons. La première est que les employés d’entretien travaillent le plus souvent isolés dans un édifice et sur un quart de travail de soir ou de nuit. La seconde est que 90% des coûts d’opération proviennent des salaires, de sorte que la concurrence entre les employeurs se joue de fait uniquement sur les salaires. Ces deux motifs combinés ont pour effet que, sans décrets, ces employés seraient condamnés au salaire et aux avantages sociaux minimums sans espoir d’améliorer leur situation.

Il est aussi important de savoir que ces décrets de l’entretien d’édifices sont gérés par des comités paritaires régis par une loi et des règlements, que ces comités sont dits paritaires parce qu’ils sont sous la responsabilité conjointe d’un syndicat et d’associations d’employeurs représentatives. Oui, des employeurs participent à l’administration de ces décrets après en avoir négocié le contenu conformément aux intérêts de leurs clients. Ce n’est pas qu’une ¨patente¨ gouvernementale ou syndicale. Pourquoi le RQRA n’a-t-il jamais cherché à s’impliquer ou à faire connaître ses besoins auprès de ces associations patronales? Il préfère faire bande à part, se plaindre dans les journaux et faire son lobbying auprès du gouvernement. Toutes les parties aux décrets, y compris les employeurs, sont d’ailleurs informées des intentions de soustraire les résidences pour aînés de l’application des décrets et s’y opposent fermement. Compte tenu qu’en plus de leur valeur économique, un des effets des décrets est la valorisation de cette industrie méconnue qui joue un rôle essentiel au niveau de la santé publique et des établissements de santé (grippes, légionellose, infections nosocomiales, etc.), il serait absolument déplorable pour les conditions de travail des employés de ces résidences que la ministre Agnès Maltais soient influencée par ce lobbysme, d’autant plus qu’il n’aurait  aucun effet sur la situation financière des entreprises, sinon d’enrichir d’avantage les propriétaires sur le dos de leurs employés et au détriment de la santé des usagers de ces résidences.

Abordons maintenant le coeur des récriminations du RQRA : les salaires. Précisons que les taux de 15.98$ et 16.41$ s’appliquent respectivement à l’entretien léger et à l’entretien lourd du décret de Montréal. Dans le décret de Québec, les salaires sont respectivement de 15.21$ et 15.53$. En conséquence, 75 % des employés gagnent donc 15.21$ et 15.98$. Qu’y a-t-il d’exagéré à gagner ces salaires alors que de nombreux organismes sociaux-économiques affirment que 15 $ l’heure est requis pour vivre décemment? Nous nous permettons de mentionner au passage que laisser croire aux lecteurs du Soleil de Québec que les salaires payés dans leur région sont ceux de Montréal laisse à désirer du point vue de l’éthique journalistique.

Le RQRA affirme que ces salaires acculent des résidences à la faillite et occasionnent des  fermetures. Nous n’accordons aucune crédibilité à cette affirmation. Si tel était le cas, comment de grandes entreprises ont-elles pu se développer dans ce secteur, telles Groupe Champlain et Groupe Savoie, pour ne nommer qu’elles? Comment se fait-t-il qu’il se passe rarement une semaine sans qu’une nouvelle résidence ouvre ses portes quelque part au Québec? Pourquoi  des entreprises ontariennes investissent au Québec dans l’achat ou la construction de résidences? Comment Groupe Savoie est-il devenu assez riche pour offrir d’acheter l’hôtel Loews Le Concorde à Québec et y investir en plus 30 millions de dollars? Non, s’il y a fermetures, le problème des résidences concernées est ailleurs et des salaires moins élevés n’y changeraient rien.

La vérité, c’est que les propriétaires de ces résidences veulent toujours plus de profits, par n’importe quel moyen, y compris sur le dos de leurs employés. Voyez les secteurs non réglementés de ces résidences : est-ce raisonnable de payer le travail admirable et essentiel des préposés aux bénéficiaires 12$ l’heure et des infirmières 14$ ? Les propriétaires ne seraient pas en faillite en payant des salaires raisonnables, peut-être juste un peu moins riches. En suivant la logique des arguments du RQRA, on abolirait aussi le salaire minimum pour payer les gens comme au Bengladesh.

Faut-il s’étonner de tous ces scandales qui surgissent dans ces résidences, principalement quant à la qualité des services? Ils sont bien sûr inacceptables et tout comportement inapproprié ne saurait être toléré. Mais, il faut aussi convenir que des salaires aussi bas entraînent de forts roulements de personnel et une grande difficulté à attirer et retenir du personnel qualifié et dévoué. Les propriétaires de résidences ont l’air de dire que les salaires nuisent à la qualité des soins. À notre avis, c’est tout le contraire. Comment espérer avoir auprès de nos personnes âgées des gens qualifiés, heureux, dévoués et soucieux d’un contact humain de qualité quand on dénonce des salaires de 15$ l’heure? N’en déplaise aux membres du RQRA, ce n’est pas avec de telles revendications qu’ils pourront maintenir et améliorer leurs services auprès de nos aînés.

Enfin, nous voulons dénoncer certains énoncés de monsieur Desjardins qui présente comme horribles des situations tout à fait normales. Ainsi, les amendes imposées à certains de ses membres; n’en est-il pas de même de tout citoyen pris à ne pas respecter la loi? Aussi, il déplore que ce sont les résidents qui payent; quoi, y a-t-il quelqu’un qui ne paie pas pour les services qu’il utilise, que ce soit directement ou par ses taxes? Également, ses membres devraient pouvoir payer leurs employés moins cher du seul fait que ce sont des résidences privées et non des centres commerciaux ou des écoles; quel est le rapport, quelle logique y a-t-il là? De plus, il s’en prend à la loi sur l’équité salariale; la présumée situation précaire de certaines résidences devrait-elle dicter des modifications à cette loi aussi, laquelle ne détermine aucunement des augmentations de salaire mais vise seulement à corriger des iniquités basées sur le sexe? Enfin, il termine en disant qu’avec toutes les autres règles applicables aux résidences, le décret est impossible à supporter; ce n’est pas très rassurant que les propriétaires considèrent les règles de sécurité et de salubrité pour nos aînés comme des fardeaux. À bien y penser, heureusement qu’il y a des règles pour encadrer ces entreprises, que ce soit sous forme de décrets ou autrement.